1. Parle-nous un peu de ton parcours personnel.

J’ai 31 ans. J’ai fait un DEC Sciences humaines profil administration pour pouvoir faire mes études universitaires en administration. J’ai grandi dans un environnement entrepreneurial; mes parents venaient tout juste de démarrer l’entreprise familiale à ma naissance. J’ai toujours su que je voulais être entrepreneure, j’ai toujours travaillé les étés durant les congés scolaires dans l’entreprise. De plus, le parcours scolaire à suivre pour y arriver a toujours été très clair pour moi, contrairement à d’autres jeunes qui peuvent parfois faire plusieurs programmes avant de trouver ce qu’ils désirent réellement faire. J’ai donc gradué en 2006 de HEC Montréal, profil entrepreneurship, un profil conçu pour les gens qui désirent démarrer une entreprise ou bien prendre la relève d’une entreprise. À ce moment-là, j’ai hésité à faire une maîtrise, mais les professeurs m’ont conseillée d’aller prendre un peu d’expérience sur le terrain avant d’aller plus loin.

J’ai donc intégré l’entreprise familiale aussitôt mes études universitaires complétées. Il était prévu que j’intègre initialement le département des finances, mais nous étions en pleine croissance et devions embaucher 100 personnes en quelques semaines. J’ai donc joint le département des ressources humaines pour faire des entrevues (alors que je n’avais jamais passé une entrevue moi-même!). Aussitôt que le rush d’embauches fut terminé, je suis retournée au département des finances, mais après quelques jours, notre planificateur de production est tombé malade. Nous n’avions donc plus personne pour faire la planification, étape très importante pour une entreprise manufacturière. J’ai donc dû apprendre rapidement les rouages de ce poste sans aucune formation. Malgré un parcours différent de ce qui était prévu, le fait d’avoir travaillé aux ressources humaines et à la production m’a permis de mieux maîtriser l’entreprise. J’ai par la suite été aux finances durant quelques années et j’occupe maintenant le poste de VP Administration. J’ai à ma charge les départements de finances, de ressources humaines, du service à la clientèle, d’informatique et des achats.

En 2013, j’ai décidé de retourner sur les bancs d’école, mais une école différente de ce que l’on peut connaître. Il s’agit de l’École d’Entrepreneurship de Beauce (EEB), une école conçue par des entrepreneurs pour des entrepreneurs. Je termine dans quelques semaines le programme de 2 ans offert par l’EEB.

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2. Pourquoi avoir décidé de te joindre à l’entreprise familiale?

Comme mentionné ci-haut, j’ai été élevée en voyant mes parents travailler fort, en allant à l’usine les week-ends. J’ai toujours voulu reprendre l’entreprise familiale et je n’ai jamais douté de ce choix. Quand j’étais plus petite, j’avais des petites entreprises, toutes petites bien sûr, mais j’avais déjà la fibre entrepreneuriale. Un peu plus vieille, je m’impliquais dans les organisations ou bien au sein de Jeunes Entrepreneurs (JE). J’ai vite réalisé qu’en m’impliquant, je pouvais faire les choses à ma façon.

3. Qu’est-ce que tu aimes le plus du fait d’être une femme en affaires? Le moins?

Le plus: Les femmes apportent une autre façon de voir les choses, une autre façon de gérer. Nos façons d’agir ou bien de réagir sont complètement différentes du modèle traditionnel masculin. C’est primordial d’avoir des femmes dans l’entreprise. Non pas que les hommes ne peuvent pas gérer, mais c’est bien de pouvoir le faire autrement.

Le moins: Le sentiment de culpabilité de mère qui est dur à s’enlever de la tête ! La société peut parfois être très cruelle pour les femmes entrepreneures. Combien de fois me suis-je fait dire que j’étais une mère indigne parce que je travaillais même si mes enfants étaient en bas âge, que je travaillais beaucoup la semaine, etc. Je vis très bien avec mon propre équilibre travail-famille, mais les préjugés ou les commentaires des gens nous remettent sans cesse en question. J’ai beaucoup appris à mettre ce sentiment de côté à l’ÉEB et non, je ne suis pas une mère indigne. Mes enfants sont heureux de voir leur mère heureuse et épanouie dans son travail !

4. Qu’est-ce qui te passionne le plus de ton métier?

De pouvoir sentir que tu contribues à quelque chose, de voir l’impact que tu as, de voir nos employés motivés et déterminés parce qu’ils aiment leur travail et de ne pas avoir de routine, car chaque jour est différent, tu es confronté à plein de choses et tu dois sans cesse te débrouiller et apprendre rapidement.

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5. Quelles ont été les difficultés que tu as rencontrées depuis que tu as joint Fabritec? Y a-t-il quelque chose que tu ferais différemment?

Je crois que les plus grosses difficultés que nous avons eues sont surtout reliées à un manque de communication. Quand ton équipe est au courant de ce qui se passe et que les attentes sont claires et définies, tout est beaucoup plus simple! En étant à la tête de l’entreprise, on peut facilement trouver que l’on se répète, mais les employés ne sont pas constamment autour de nous. On a beau mentionner notre vision à un employé, mais cela n’a peut-être pas été mentionné à un autre. De là l’importance de répéter, même si cela fait plusieurs reprises qu’on le dit ! J’ai mis beaucoup d’énergie dans les derniers mois à travailler cet aspect au sein de l’entreprise et les résultats sont impressionnants!

Sinon, je crois que toute entreprise vit des difficultés au cours de son existence. Les dernières années furent difficiles de notre côté: nous avons décidé d’innover en pleine récession, cela était très risqué, mais aujourd’hui nous sommes l’usine la plus automatisée en Amérique du Nord dans notre domaine. Ne pas avoir pris ce risque il y a quelques années, nous n’aurions jamais conclu les contrats majeurs que nous venons de signer. Ces moments ont été très difficiles, mais certes les plus enrichissants en apprentissage!

6. En tant que jeune femme, as-tu trouvé cela dur de te tailler une place dans ton industrie?

Oui, même encore aujourd’hui. C’est un domaine composé majoritairement d’hommes, autant au niveau des clients et des fournisseurs qu’au niveau financier. Certains vont te laisser une place facilement alors que pour d’autres, tu as de la crédibilité à gagner !

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7. Quelles sont les plus grandes leçons que tu as apprises depuis tes débuts?

Faire confiance à mon intuition, car j’écoutais peu ou pratiquement pas cette petite voix intérieure à mes débuts. Ne pas avoir peur de prendre ma place, de me faire confiance et de foncer! Je me laisse rarement douter des choix que j’ai pris. Mon père a toujours dit et je le cite même si le français n’est pas parfait « S’il mouille, il mouillera et s’il neige, on pellètera!» J’applique bien ce principe aujourd’hui et j’ai arrêté de me questionner sur les « si j’avais fait ça au lieu de… » Ça ne sert à rien de se questionner sur des fabulations. J’avance sans regarder en arrière. J’ai peut-être parfois pris de moins bonnes décisions, mais j’ai toujours appris de cela et c’est ce qui fait qui je suis aujourd’hui.

Et j’ai appris à gérer avec mon cœur, typiquement féminin vous direz, mais dont bénéfique. Quand on gère avec notre cœur et par amour, les gens ne peuvent pas nous en vouloir dans les moments plutôt difficiles. C’est lorsque l’on est sincère et authentique que les gens sont portés à venir vers nous et embarquer. Il ne faut pas avoir peur de montrer notre côté plus fragile, nous sommes ce que nous sommes, il faut l’assumer!

8. À quoi ressemble une journée au bureau?

Jamais pareil. Souvent plusieurs rencontres (soit à l’interne ou bien avec des gens de l’externe), mais essentiellement suivre de nombreux projets avec les différents départements, régler les problèmes lorsqu’ils surviennent, s’assurer que tout est sous contrôle, veiller au bien de chaque département.

9. De quoi es-tu le plus fière?

Personnellement, de mes enfants! Ils sont ma source de fierté, c’est grâce à eux que je peux déconnecter du travail quand je rentre à la maison et grâce à eux que j’apprécie la vie telle qu’elle se présente!

Professionnellement, de notre équipe! Nous avons une équipe jeune et dynamique, prête à affronter des tempêtes. Rentrer au travail, voir nos employés heureux et épanouis dans leur quotidien compte beaucoup pour moi.

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10. Le meilleur conseil que tu aies reçu?

De ne pas s’apitoyer sur son propre sort… Oui des situations peuvent être difficiles à traverser, mais se regarder le nombril n’aide en rien à avancer. Je me suis toujours dit qu’il y a pire que moi et cela m’aide à ne pas m’arrêter sur des petits détails et à continuer d’avancer.

11. Tu es maman de deux jeunes enfants. Ton truc pour balancer travail et famille?

Être bien entourée! De gens qui peuvent m’aider lorsqu’un enfant est malade ou bien dans les tâches que je ne peux accomplir en étant moins souvent à la maison. Je dirais aussi respecter son propre équilibre malgré les commentaires des gens. Après la naissance de ma fille, je n’étais pas capable de rester complètement à la maison, je sentais que je délaissais mon autre bébé (l’entreprise). Cela fut difficile à assumer au début, les gens voulaient que je profite de ces moments avec le bébé, mais je n’étais pas bien. Il faut se respecter soi-même avant tout!

12. À ton tour, quel(s) conseil(s) donnerais-tu à celles qui voudraient partir leur entreprise? Quelles habiletés sont nécessaires selon toi?

La confiance surtout! Avoir confiance en soi vous ouvrira des portes, si on n’a pas confiance en nous, les gens le ressentent. Comment leur inspirer confiance quand on transmet l’inverse? Viens ensuite le courage, la détermination et la résilience. Je ne sais pas pourquoi la vie est faite ainsi, mais les gens passeront leur temps à essayer de nous fermer la route. Il faut continuer de persévérer, franchir une étape à la fois. J’ai un côté compétitif très fort, ma plus grande motivation est une personne qui me dit que je ne serai pas capable de réaliser une tâche ou un projet en particulier. Je vais tout faire pour y arriver et leur prouver le contraire.

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13. Qu’est-ce que le succès pour toi?

Pour moi le succès est d’être heureuse et épanouie, d’être entourée de gens que j’aime et profiter de la vie. C’est aussi d’avoir une entreprise prospère qui peut contribuer au bien-être de tous nos employés et de pouvoir redonner à la société.

14. Tes prochains défis?

Nous vivrons une grande croissance au sein de notre entreprise d’ici quelques mois, croissance majeure dans l’histoire de Fabritec. Les défis seront de voir à ce que tout s’aligne pour traverser les prochains mois, au niveau de l’embauche de personnel, d’approvisionnement de matières premières et bien sûr, de la production. On sera bien occupés, mais nous sommes bien entourés, c’est la clé du succès !

Photos: Nadia Bourgeois